Les juges de la Cour d’appel de Paris ont, dans un arrêt rendu le 18 mai 2022, écarté le déplafonnement du loyer
d’un supermarché situé dans le quatorzième arrondissement de Paris, en constatant l’absence de modification des
facteurs locaux de commercialité survenue pendant la durée du bail. Dans le cadre de ce litige, il était question de
savoir si la modification des caractéristiques du local ainsi que la modification des facteurs locaux de
commercialité pouvaient entrainer le déplafonnement du loyer commercial.
1 - La modification des facteurs locaux de commercialité
Le renouvellement du bail commercial obéit en principe à la règle de plafonnement, permettant au locataire
d’être protégé d’une hausse trop brutale du loyer. Ce plafonnement correspond au loyer indicé à la variation de
l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires
(ILAT).
Toutefois, et par exception, le loyer peut être déplafonné. Le cas échéant, il est calculé en fonction de la valeur
locative du marché. L’article R. 145-6 du Code de commerce prévoit à cet égard une des hypothèses de
déplafonnement du loyer commercial : l’évolution des facteurs locaux de commercialité.
À la lumière de la jurisprudence et de l’article susvisé, ces facteurs correspondent notamment à la situation
géographique du commerce (ville, quartier, rue), à sa desserte par les moyens de transport, aux attraits particuliers
de l’emplacement, à la situation des concurrents, au chiffre d’affaires, à la création de logements et de parkings…
En région Rhône-Alpes, lors d’expertises de valeurs locatives commerciales, les magistrats ont caractérisé une
modification notable des facteurs locaux de commercialité dans le cadre de plusieurs dossiers, en particulier :
- La création de la ZAC du Pré Billy à Annecy ;
- Le développement du réseau ferroviaire Léman Express ;
- L’extension de la zone piétonne du centre historique d’Annecy.
Le local commercial dont il est question en l’espèce correspond à un supermarché situé dans le 14ème
arrondissement de Paris, secteur desservi par les transports en commun et accueillant de nouveaux logements.
Toutefois, le local commercial est situé en retrait de la voie publique, ce qui rend son accès plus difficile.
À l’origine de la procédure, un bail commercial portant sur un local a été conclu le 1er avril 2006, pour une durée
de 9 ans, moyennant un loyer annuel de 155 498 euros. Ce bail portait sur un local à destination de supermarché.
En l’absence d’accord sur le montant du loyer renouvelé, la société bailleresse a saisi le juge des loyers afin de
faire fixer le loyer à la somme de 300 000 euros. En se fondant sur un rapport d’expertise constatant l’absence de
déplafonnement, le juge a fixé le loyer renouvelé à la somme de 180 472 euros.
La société bailleresse a interjeté appel de la décision. Devant la Cour d’appel de Paris, elle sollicite le
déplafonnement du loyer commercial en se fondant notamment sur une modification des facteurs locaux de
commercialité entre la date de prise d’effet du bail et la date de demande de renouvellement du bail. Pour la
démontrer, la société bailleresse avance :
- L’ouverture d’une nouvelle station de tramway et l’augmentation de la fréquentation des stations
environnantes ; - La création de nombreux logements et de résidences étudiantes ;
- L’absence de surface de vente comparable à proximité ;
- L’augmentation de la population locale à fort pouvoir d’achat ;
Cependant, ces demandes seront rejetées par les juges de la Cour d’appel de Paris, qui constatent que le bailleur
ne démontre pas une véritable modification des facteurs locaux de commercialité. En effet, l’ouverture de la
nouvelle station de tramway n’a pas eu d’influence sur la commercialité du supermarché dans la mesure où la
population locale représente toujours la majorité de sa clientèle. D’autre part, l’augmentation des revenus des
riverains, non notable par rapport à celle des autres quartiers de Paris, n’a eu aucune incidence sur le commerce.
2 - Les caractéristiques du local concerné
L’article L. 145-34 du Code de commerce permet également le déplafonnement du loyer renouvelé en cas de
modification des caractéristiques du local concerné. La société bailleresse se fonde ainsi sur le la création d’un
nouveau rayon de vente d’électroménager par le preneur, d’une surface de 20 m2 dans le local, antérieurement au
renouvellement du bail. Selon elle, cette modification est notable dès lors que la société preneuse génère des
marges importantes par la vente de matériel électroménager. Toutefois, l’expert a relevé que la création de ce
rayon ne peut pas entrainer une modification notable dès lors qu’il ne représente qu’une surface infime de la
surface totale du magasin (1,87%).
En conséquent, les juges de la Cour d’appel de Paris approuvent les juges de première instance, qui ont retenu
l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité. Ils précisent que le loyer renouvelé doit
être fixé à partir la somme de 155 489 euros, auquel sera appliqué l’indice ILC.
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