Lorsque l’exploitant d’un fonds de commerce peut faire valoir ses droits à la retraite et envisage la cession de son activité, il dispose des avantages majeurs inhérents à L’article L145-51 du Code de commerce qui prévoit la déspécialisation automatique du bail commercial en vue de faciliter la recherche d’un repreneur.
Ainsi, sous réserve de respecter les activités commerciales autorisées dans l’immeuble et l’éventuelle droit de préemption de la commune, n’importe quelle activité pourra désormais être exercée dans les lieux sans que le propriétaire n'ait à donner son accord. Au cas d’espèce, on parle de cession-déspécialisation.
Cette cession peut avoir lieu à tout moment au cours du bail, sans avoir à attendre la fin d’une période triennale. De plus, l’exploitant pourra uniquement céder son droit au bail et il n’est pas contraint de vendre son fonds de commerce dans sa globalité.
Le droit à la cession-déspécialisation bénéficie également au locataire en situation de cumul emploi-retraite (3ème Chambre civile, 23 novembre 2011 n°10-25.108).
La Cour de cassation a jugé qu'en cas d'époux cotitulaires d'un bail commercial, le fait que seul l'un d’eux demande à bénéficier de sa retraite suffit pour invoquer ce dispositif (3ème Chambre civile, 30 janvier 1991 n°89-11.313).
Si l’éventuel droit de préemption de la commune est écarté, le locataire qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, doit signifier par acte d'huissier, au bailleur et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, son intention de céder le bail en précisant la nature des nouvelles activités envisagées et le prix de cession proposé, sans obligation de mentionner le nom de l'acquéreur.
Il est important de préciser que cette démarche constitue simplement une information et non pas une demande d’autorisation de céder le bail.
Le locataire devra alors demander à bénéficier de ses droits à la retraite mais continuera à exploiter le fonds jusqu'à la cession du bail. Jusqu’à la réponse du bailleur et pendant maximum deux mois après la signification de l’acte d’huissier, le locataire devra respecter toutes les obligations issues du bail et attendre que la cession soit effective pour se radier du RCS.
Le bailleur a trois options :
- Il exerce son droit de préemption au cours des deux mois qui suivent la signification de l’acte d’huissier au bailleur, ce dernier bénéficie d’une priorité de rachat du droit au bail et dans les mêmes conditions que celles qui avaient été négociées.
- Il exerce son droit d'opposition en considérant que les nouvelles activités projetées ne sont pas compatibles avec l’immeuble, il peut refuser la cession en invoquant un motif grave et légitime. Il peut aussi faire valoir un manquement aux obligations prévues dans le bail commercial ou le fait qu’il entend réaliser des travaux de reconstruction de l’immeuble à l’expiration de la période triennale en cours (Art. L145-53 Code de commerce).
Il doit alors saisir le Tribunal Judiciaire dans les deux mois qui suivent la signification de l’acte d’huissier envoyé par le locataire et le juge aura alors la charge d’apprécier la légitimité des motifs de refus invoqués par le bailleur.
Au cas où le tribunal jugerait l'opposition du bailleur injustifiée, le juge peut autoriser la déspécialisation totale ou partielle et si le bailleur a invoqué des motifs fallacieux, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts au locataire en réparation du préjudice causé par l'impossibilité de réaliser la cession.
- Il accepte la cession ou garde le silence et si le bailleur ne répond pas dans le délai des deux mois, n’a pas saisi Tribunal Judiciaire dans ce même délai ou refuse la cession passé ce délai, son absence de réponse ou sa réponse tardive valent acceptation de la cession et donc des éventuelles nouvelles activités du repreneur.
Le Code de commerce ne règle pas la question de savoir si le bailleur peut demander au nouveau locataire (le repreneur) une indemnité ou une révision du loyer en contrepartie de ce changement d’activité du bail. Ainsi, il existe plusieurs positions :
- Une réponse ministérielle du 1er juillet 1991 et un arrêt de Cour d’Appel (Cour d’Appel de Paris, 29 juin 1989) estiment que le bailleur peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-50 du Code de commerce pour demander une indemnité égale au montant du préjudice subi dont il établirait l'existence, ou une révision du loyer. Le bailleur doit alors former sa demande dans le délai de deux mois à compter de la signification.
- Cependant, un autre arrêt de Cour d'appel (Cour d’Appel de Paris, 3 décembre 1991) affirme que la déspécialisation en cas de départ à la retraite ne permet pas au bailleur de modifier le montant du loyer.
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