Cour d’appel de Chambéry, 1ère chambre civile, 13 octobre 2020, n°18/02096
Les juges de la Cour d’appel de Chambéry ont, dans un arrêt rendu le 13 octobre 2020, retenu le déplafonnement
du loyer commercial d’un commerce de détail de chaussures, en constatant une modification des facteurs locaux
de commercialité, et fixé le loyer à la valeur locative.
Le renouvellement du bail commercial obéit en principe à la règle de plafonnement, permettant au locataire
d’être protégé d’une hausse trop brutale du loyer. Ce plafonnement correspond au loyer indicé à la variation de
l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires
(ILAT).
Toutefois, et par exception, le loyer peut être déplafonné. Le cas échéant, il est calculé en fonction de la valeur
locative du marché. L’article R. 145-6 du Code de commerce prévoit à cet égard une des hypothèses de
déplafonnement du loyer commercial : l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité.
À la lumière de la jurisprudence et de l’article susvisé, ces facteurs correspondent notamment à la situation
géographique du commerce (ville, quartier, rue), à sa desserte par les moyens de transport, aux attraits particuliers
de l’emplacement, à la situation des concurrents, au chiffre d’affaires, à la création de logements et de parkings…
En région Rhône-Alpes, lors d’expertises de valeurs locatives commerciales, les magistrats ont caractérisé une
modification notable des facteurs locaux de commercialité dans le cadre de plusieurs dossiers, en particulier :
- La création de la ZAC du Pré Billy à Annecy ;
- Le développement du réseau ferroviaire Léman Express ;
- L’extension de la zone piétonne du centre historique d’Annecy.
Le local dont il est question en l’espèce correspond à un commerce de détail de chaussures, situé à La Ravoire, au
carrefour du Roc Noir, en bordure de la route nationale 6. Il bénéficie d’une grande accessibilité et d’une très
bonne visibilité. En effet, de nombreux logements ont été construits lors de la durée du bail et la démographie a
conduit à une fréquentation plus forte du secteur. Dès lors, la question de la modification des facteurs locaux de
commercialité s’est posée devant les juridictions.
À l’origine de la procédure, un bail commercial a été conclu le 13 février 1997, pour une durée de 9 ans,
moyennant un loyer annuel de 104 275 euros. Lors du renouvellement du bail le loyer a été porté à 145 349, 04
euros. Indexé sur l’évolution de l’indice du coût de la construction, le montant du loyer en fin de bail était de 187
028, 80 euros. Aucun n’accord n’ayant pu être trouvé sur le montant du bail renouvelé, la société preneuse a saisi
le juge des loyers, qui a fixé le montant du loyer renouvelé à 125 100 euros. La société bailleresse a interjeté appel
du jugement. Elle se fonde notamment sur l’évaluation d’un cabinet d’expertises immobilière réalisée avant la
crise financière de 2007, trop ancienne pour être prise en compte.
D’après l’article L. 145-33 du Code de commerce, le montant du loyer du bail commercial renouvelé doit
correspondre à la valeur locative. Si les parties ne s’accordent pas sur son montant, comme c’est le cas en
l’espèce, celui-ci est notamment déterminé d’après :
- Les caractéristiques du local ;
- Les facteurs locaux de commercialité ;
- Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
S’agissant des caractéristiques du local, la question concernait la surface utile pondérée puisque les deux rapports
d’expertise ne retenaient pas la même valeur. Les lieux sont composés d’un local de vente et d’un SAS d’entrée
d’une surface de 986 m2 ainsi que d’annexes d’une surface de 48 m2. En se référant à l’expertise judiciaire de
Madame Sadoux, les juges de première instance ont retenu, à bon droit, une surface utile pondérée de 1034 m2.
D’autre part, les magistrats de la Cour d’appel ont constaté une évolution notable des facteurs locaux de
commercialité en se fondant sur les conclusions de Madame Sadoux. L’avis de l’experte judiciaire mentionnait
notamment :
- Le développement démographique de la commune de la Ravoire (+18,3%) :
- L’augmentation du parc logements (+24%) ;
- L’importance du flux automobile sur les axes bordant le local commercial (près de 29 000 véhicules par jour) ;
- L’excellente visibilité dont bénéficie le local ;
- La qualité de l’emplacement géographique, situé dans une zone commerciale comprenant de nombreuses
autres enseignes ; - L’excellente visibilité dont bénéficie le local (en bordure d’une route départementale) ;
- La mise à disposition d’une centaine de places de stationnement.
Enfin, l’experte judiciaire a appliqué une valeur locative de 121 euros par mètre carré compte tenu de
l’emplacement du local et de sa surface, et des valeurs locatives pratiquées dans la zone locale. La superficie du
local étant de 1034 m2, la valeur locative renouvelée a été portée à 125 100 euros.
Par conséquent, les juges de la Cour d’appel de Chambéry ont confirmé le jugement rendu en première instance,
qui avait fixé la valeur du loyer renouvelé à 125 100 euros.
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