Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 21 janvier 2021, n° 17/08561 | Doctrine
La cour d’appel d’Aix-en-Provence aura, dans le cadre d’un jugement rendu en date du 21 janvier 2021, écarté l’application de principe de la règle de plafonnement du loyer de renouvellement, en constatant que le bail renouvelé avait atteint une durée supérieure à 12 ans.
Dans le cadre de ce litige, il était question de savoir :
1 – D'une part, si le déplafonnement du loyer renouvelé pouvait être retenu lorsque la durée du bail excède douze ans ;
2 – D'autre part, de connaître les conséquences de cette qualification sur le montant du bail renouvelé, en l’application de l’article L.145-34 du Code de commerce
1 – Sur la caractérisation du déplafonnement du loyer renouvelé
À l’origine de la procédure, suite à une opposition de renouvellement d’un bail commercial par le preneur, le bailleur saisit le juge des loyers commerciaux. Selon lui, le fait que la durée du bail expiré avait eu une durée supérieure à douze ans justifie un déplafonnement du loyer renouvelé, aux termes de l’article L.145-34 du Code de commerce.
En droit, la fixation du loyer, lors de sa révision ou lors du renouvellement du bail est en principe plafonnée. Créé par le décret n°72-561 du 3 juillet 1972, ce mécanisme très protecteur a été instauré en faveur des locataires, afin de mieux les protéger d’une éventuelle hausse trop importante de leur loyer. Il signifie que la variation du loyer ne peut dépasser la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT).
Par exception, le loyer du bail renouvelé peut être fixé sans respecter la règle de plafonnement du loyer ; on parlera alors de « déplafonnement », le loyer déplafonné sera alors fixé à la valeur locative. Ce mécanisme s’appliquera si l’on constate la présence d’une « modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33 du Code de Commerce », ou si la durée du bail excède douze ans à compter de la date de la demande de renouvellement.
À l’inverse, lorsque la durée du bail n’excède pas douze ans à compter de la date de la demande de renouvellement et lorsqu’aucune modification notable des éléments déterminant la valeur locative n’est démontrée (en cela, L.145-34 du même Code), le plafonnement de la variation du loyer applicable est imposé.
En l’espèce, un bail commercial avait été conclu en 1997, pour une durée de 9 ans entre le bailleur et le preneur, moyennant un loyer initial de 2 045 000 francs annuel. En 2001, par un avenant de renouvellement, les parties ont convenu que le locataire effectue des travaux. Elles ont alors décidé de mettre un terme anticipé au bail et de le renouveler pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer de 686 020,58 euros annuel et de 796 245,09 euros à compter de l’exécution desdits travaux.
Ce n’est qu’en 2014 que le bailleur a adressé au locataire une offre de renouvellement du bail, moyennant un loyer annuel déplafonné de 2 900 000 euros. Suite à un refus d’acceptation du prix du locataire, le bailleur saisit ainsi le juge des loyers commerciaux d’une demande de déplafonnement du loyer.
Le local commercial dont il est question correspond à un supermarché, exploité sous l’enseigne Monoprix. Situé dans le cœur de Nice, à proximité immédiate de forts lieux d’affluence touristique tels que la Basilique Notre-Dame de l’Assomption, l’Avenue Jean Médecin et la place Masséna, le bien jouit d’une position très privilégiée.
La proximité d’enseignes à forte attractivité commerciale (Cinéma Pathé, FNAC, Zara, …) est également un élément déterminant qui bénéficie à l’activité du local dont il est question, lequel ne possède pas de clientèle exclusive, du fait de son activité de supermarché.
Le bail renouvelé au premier octobre 2001 s’était poursuivi tacitement au-delà de sa date d’échéance contractuelle de l’année 2010, en ce qu’il n’a été renouvelé qu’en 2014. Le juge affirme en cela qu’en ce que le bail a atteint une durée supérieure à 12 ans, le loyer du bail renouvelé n’est pas soumis à la règle de plafonnement et doit être fixé à la valeur locative.
2 – Sur les conséquences du déplafonnement vis-à-vis du montant du loyer renouvelé
En droit, et en l’application des dispositions de l’article L.145-34 du Code de Commerce, les dispositions relatives au plafonnement ne sont plus applicables lorsque la durée du bail excède 12 ans.
Comme dans les autres cas de déplafonnement du loyer renouvelé, le bailleur sera ici en droit de fixer le montant du loyer correspondant à la valeur réelle du bien, applicable au moment du renouvellement (en l’occurrence, celle de l’année 2014).
En l’espèce, le bail à renouveler avait débuté en 2001 et s’était poursuivi tacitement au-delà de sa date d’échéance contractuelle fixée à l’année 2010. N’ayant été proposée qu’en 2014 par les parties, la durée du bail avait alors atteint une durée supérieure à 12 ans. En conséquence, le loyer du bail renouvelé doit selon le juge être déplafonné et fixé à la valeur locative à l’année 2014.
D’après le calcul de l’expert judiciaire validé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le prix d’un loyer déplafonné du bail renouvelé d’un supermarché situé au 30, rue Biscarra à Nice est de 1 693 435 euros (annuel, hors charges et hors taxes), pour une surface pondérée retenue de 3 241,33 m2, soit une moyenne de 590 euros par m2.
Contactez nos experts immobiliers à Nice.