Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 9 décembre 2021, n° 18/01691 | Doctrine
La cour d’appel de Lyon a, dans le cadre d’un arrêt rendu en date du 9 décembre 2021, écarté le déplafonnement du loyer d’un commerce de détail d’articles de sport (Sports Dépôt).
Le juge justifie son refus, au motif que le bailleur ne caractérisait aucune modification notable des facteurs locaux de commercialité au sein de la zone d’implantation de son local commercial.
Dans le cadre de ce litige, il était question de savoir :
1 – D'une part, si une modification notable des facteurs locaux de commercialité de la zone d’implantation du local commercial pouvait être retenue ;
2 – D'autre part, si cette modification pouvait entraîner le déplafonnement du loyer renouvelé, et ses conséquences sur son montant.
1 – Sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité
À l’origine de la procédure, suite à plusieurs oppositions de renouvellement d’un bail commercial par le preneur, le bailleur saisit le juge des loyers commerciaux. Selon lui, la modification des facteurs locaux de commercialité dans le secteur de l’avenue Alphonse-Baudin justifie un déplafonnement du loyer renouvelé, aux termes de l’article L.145-38 du Code de commerce.
En droit, la fixation du loyer, lors de sa révision ou lors du renouvellement du bail est en principe plafonnée. Créé par le décret n°72-561 du 3 juillet 1972, ce mécanisme très protecteur a été instauré en faveur des locataires, afin de mieux les protéger d’une éventuelle hausse trop importante de leur loyer. Il signifie que la variation du loyer ne peut dépasser la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT).
Le législateur a tout de même prévu un mécanisme de « déplafonnement » qui permettra d’écarter la règle de plafonnement si est apportée, selon l’article L.145-38 alinéa 3 du Code du Commerce, la preuve « d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative ».
Selon la Cour de cassation, les modifications intervenues doivent cependant être « de nature à avoir une incidence significative sur l’activité du preneur » (Cour de cassation, 3ème chambre civile, le 9 juillet 2008), d’où l’exigence d’une hausse de plus de 10%.
Ces facteurs locaux de commercialité correspondent notamment à la situation géographique du commerce (ville, quartier, rue), à sa desserte par les moyens de transport, aux attraits particuliers de l’emplacement, à sa situation vis-à-vis des concurrents, à son chiffre d’affaires, à la création de logements et de parkings.
À titre d’exemple, au sein de la région Auvergne-Rhône-Alpes, la jurisprudence avait ainsi retenu la création de la ligne du Métro D à Lyon, (Cour d'appel de Lyon, du 18 décembre 2002, 2001/03656 | Doctrine), l’extension de la zone piétonne du centre historique d’Annecy ainsi que le développement du réseau ferroviaire Léman Express (en cela, Loyer de renouvellement - L’exemple de l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité - Berthier & Associés expertises immobilières (berthier-associes.com)).
Cette qualification fait apparaître un grand enjeu, puisque comme nous l’avons précédemment énoncé, la modification des facteurs locaux de commercialité de l’environnement d’un local entraînera l’évincement de la règle de plafonnement posée à l’article L.145-33 du Code de Commerce. Cette interprétation aura été très récemment confirmée par la Cour de cassation (Cour de cassation, Chambre civile 3, 5 octobre 2017, 16-18.059, Publié au bulletin | Doctrine).
En l’espèce, un bail commercial renouvelé avait été conclu en 2007 entre le bailleur et le preneur pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer annuel de 24 312 euros. Indexé à l’indice des loyers commerciaux (ILC), le loyer s’élevait alors en 2016 à 28 332 euros.
En anticipation de l’expiration du bail, le bailleur a adressé au locataire une offre de renouvellement du bail, moyennant un loyer annuel de 60 000 euros. Suite à un refus d’acceptation de ce dernier, le bailleur saisit alors le juge des loyers commerciaux d’une demande de déplafonnement du loyer.
Le local commercial dont il est question correspond à un commerce spécialisé de détail d’articles de sport sous l’enseigne Sports Dépôt. Situé en retrait des zones fréquentées, notamment du Champ de Foire et de la cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation ou commerciales (McDonalds, FNAC, Décathlon, …), le bien ne bénéficie pas d’une position privilégiée.
En appel, le preneur soutient le fait que durant la durée du bail, l’évolution des facteurs locaux de commercialité, du fait de la transformation importante du quartier avait eu un impact favorable sur la clientèle.
Il explique cette amélioration par le très récent aménagement de la gare SNCF (située à moins de 300 mètres du local commercial), de la création d’un parc de stationnement et de l’augmentation du trafic ferroviaire. Ces éléments constituent à son sens une modification notables des facteurs locaux de commercialité, lesquels peuvent justifier un déplafonnement aux termes de l’article L.145-38 du Code de commerce (en ce sens, conférer article déplafonnement facteurs locaux de commercialité 24, rue de la République à Lyon).
La cour d’appel de Lyon affirme que les locaux donnés à bail sont situés sur un axe fréquenté de liaison de la gare SNCF avec le centre-ville de Bourg-en-Bresse, mais que cette avenue ne constitue pas un axe de circulation majeure. En outre, les locaux se trouvent au nord de l’avenue, lequel se trouve moins dynamique commercialement que le sud à proximité immédiate de la gare.
En conclusion, le juge affirme ici qu’en considération de ces éléments, les facteurs locaux de commercialité n’ont pas subi de modification notable favorable à l’activité exercée par le commerce durant la durée du bail.
2 – Sur les conséquences du refus de déplafonnement sur le montant du loyer
En droit, et en l’application des dispositions de l’article L.145-34 du Code de Commerce, lorsque la durée du bail n’excède pas douze ans à compter de la date de la demande de renouvellement et lorsqu’aucune modification notable des éléments déterminant la valeur locative (en cela, L.145-33 du même Code) n’est démontrée, le plafonnement de la variation du loyer applicable est imposé.
En l’espèce, en appel, le juge écarte l’application de la règle de déplafonnement du loyer de renouvellement, au motif que les éléments invoqués par le bailleur, tels que l’aménagement de la gare SNCF ou d’un parc de stationnement ne constituent pas une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Là-encore, la cour d’appel de Lyon fait application d’une jurisprudence constante, selon laquelle les modifications intervenues doivent être « de nature à avoir une incidence significative sur l’activité du preneur » (Cour de cassation, 3ème chambre civile, le 9 juillet 2008).
En outre, la durée du bail renouvelé n’excède pas douze ans et aucune modification notable des facteurs locaux de commercialité n’aura été apportée par le bailleur ; par principe, le loyer renouvelé sera soumis à la règle de plafonnement.
D’après le calcul de l’expert judicaire, homologué par la cour d’appel de Lyon, le prix d’un loyer plafonné du bail renouvelé d’un local commercial situé au 12, avenue Alphonse-Baudin à Bourg-en-Bresse est de 28 348 euros (annuel, hors charges et hors taxes.
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