Dans un arrêt rendu le 19 juin 2018, les juges de la Cour d’appel de Chambéry ont retenu le plafonnement du
loyer commercial d’un restaurant situé à Chamonix-Mont-Blanc, en excluant la monovalence des locaux commerciaux. Dans
l’espèce, il était question de savoir si la monovalence des locaux pouvait être retenue pour un local à destination
unique de restauration, dont la destination pouvait être modifiée sans engendrer de travaux importants.
En droit, le renouvellement du bail commercial obéit en principe à la règle de plafonnement, créée par le décret
du 3 juillet 1872, permettant au locataire d’être protégé d’une hausse trop brutale du loyer. Ce plafonnement
correspond au loyer indicé à la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ou de l’indice
trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT).
Toutefois, et par exception, le loyer peut être déplafonné. Le cas échéant, il est calculé en fonction de valeur
locative du marché. Le législateur a prévu une liste limitative des causes de déplafonnement, parmi lesquelles
figure la monovalence des locaux. Au sens de l’article R. 145-10 du Code de commerce, un local est dit
monovalent dès lors qu’il a été construit en vue d’une seule utilisation. À titre d’exemple, est monovalent le local
abritant un cinéma, un hôtel ou un garage.
La réunion d’un critère matériel, avancé par la loi, et d’un critère économique, consacré par une jurisprudence
extensive de la Cour de cassation, est nécessaire pour caractériser la monovalence :
- Le critère matériel : le local doit être adapté à un usage unique
- Le critère économique : la destination du local ne peut pas être modifiée sans engager des travaux importants
À titre d’exemple, les juges du tribunal judiciaire de Lyon ont estimé monovalents les locaux dont la destination
ne pouvait être modifiée qu’après avoir engendré des travaux pour une somme avoisinant les 1 600 000 euros
(Lecture supplémentaire : https://www.berthier-associes.com/expertise-immobiliere/reperes-loyer-derenouvellement-
monovalence-8-rue-paul-bert-lyon/)
La qualification de la monovalence présente un grand enjeu : celui du déplafonnement, qui profite au bailleur, ou
du plafonnement, qui profite au locataire. Le bailleur doit rapporter la preuve de la monovalente des locaux
tandis que le locataire doit rapporter la preuve que le local commercial peut, à peu de frais, changer de
destination.
Lorsque les juges qualifient le local de monovalent, le régime prévu à l’article R. 145-10 trouve à s’appliquer : le
montant du loyer renouvelé est fixé « selon les usages observés dans la branche d’activité considérée ». Par
exemple, dans le cas d’un hôtel, il est fait application de la « méthode hôtelière » ; dans le cas d’un restaurant, la
valeur locative est fixée selon les méthodes préconisées par la Charte de l’expertise en évaluation immobilière.
À l’origine de la procédure, un bail commercial a été conclu le 1er mai 2003, pour une durée de 9 ans,
moyennant un loyer annuel de 27 440, 82 euros. Ce bail portait sur des locaux à destination exclusive de
restauration. À défaut d’accord sur le montant du loyer renouvelé, la société preneuse a assigné la société
bailleresse devant le juge des loyers afin de voir maintenir le loyer à son montant actuel. Le juge des loyers a
constaté le caractère monovalent du local en se fondant sur l’affectation unique du local, et écarté la règle du
plafonnement prévue par l’article R. 145-10 du Code de commerce. La société preneuse a interjeté appel de la
décision et sollicité l’avis d’un expert sur le coût des travaux permettant la transformation des lieux.
La question de la monovalence des locaux s’est donc posée devant les juges de la Cour d’appel de Chambéry.
Dès lors que les locaux ont été conçus à usage exclusif de restauration, il leur appartenait de déterminer si leur
destination pouvait être modifiée sans travaux importants ou transformations coûteuses.
En l’espèce, les locaux commerciaux sont composés d’un rez-de-chaussée, d’un sous-sol et d’une terrasse
extérieure représentant une surface totale de 460 m2. Plusieurs commerces (restaurants, bar, studio) sont
implantés dans les locaux, et chacun d’entre-eux dispose de son propre accès et n’est pas aménagé de telle
manière qu’un autre usage soit impossible.
La société preneuse avait en effet versé aux débats une expertise amiable affirmant que des aménagements
nécessaires à l’exercice d’une autre activité que celle de restauration pouvaient tout à fait être envisagés. La
destination des locaux abritant une activité de restauration pouvait être modifiée, de façon à accueillir n’importe
quel type d’activité (magasin de sport, agence immobilière, agence d’assurance…), sans que des travaux
importants soient réalisés. En effet, selon l’expert, seuls des travaux de décoration ou de réaménagement auraient
dû être réalisés pour faire changer la destination des lieux.
Dans la mesure où des travaux d’un coût très faible permettaient de modifier la destination du local (pourtant à
destination exclusive de restauration), les juges de la Cour d’appel de Chambéry ont infirmé le jugement entrepris
et n’ont pas retenu la monovalence des locaux. Par conséquent, le montant du loyer a été plafonné et fixé selon la
variation de l’indice du coût de la construction, à 39 007 euros annuel.
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